François Charlet

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Réflexions au hasard sur le marché du e-book

10/11/2010 3 Min. lecture Opinions François Charlet

Il y a peu, Amazon a annoncé la possibilité de pouvoir partager, ou plutôt prêter ses livres électroniques (e-books) acheté sur le Kindle Store. On pourra ainsi prêter une e-book une seule fois à une personne pendant quatorze jours. Evidemment, comme quand on prête un vrai bouquin, le prêter ne pourra plus lire le e-book durant cette période, tout simplement parce qu’il ne l’a plus. Toutefois, tous les e-books n’auront pas la chance de pouvoir être prêtés : les détenteurs des droits seront les seuls à déterminer si un e-book pourra être prêté, ou non.

Plutôt que d’instaurer ce système, on aurait pu penser qu’Amazon baisserait le prix et les restrictions de ses e-books de façon à en vendre plus. En soi, le coût marginal de la vente d’un e-book supplémentaire est quasi nul puisqu’ils se font de l’argent sur le volume. Amazon devrait se moquer du fait qu’on lise ou non un e-book. Ils se feraient bien plus d’argent à vendre 10'000 copies d’un e-book à des gens qui ne le lirait peut-être pas plutôt que 500 copies à ceux qui le liront effectivement.

Une façon d’encourager les éditeurs (de livres, mais aussi de musiques et de films) à faire ce que veut le marché – c’est-à-dire vendre des copies bon marché – serait pour les pouvoirs exécutifs de renoncer à leur zèle de juguler le piratage. Ce n’est que parce que l’industrie a externalisé les coûts de la protection des droits d’auteur qu’elle persiste à vouloir mettre un terme au piratage. Peu de gens veulent obtenir leurs livres, leurs films ou leurs musiques sans dépenser un centime. Ils ne veulent le faire qu’à un prix raisonnable.

L’exemple de Netflix est très significatif : un succès commercial phénoménal, un grand catalogue de titres, des prix raisonnables et une économie de temps de ne pas avoir à fouiller le web pour en trouver une copie piratée. Beaucoup de gens seront certainement heureux d’acheter des films, e-books et musiques, même sans DRM, même si on les trouve gratuitement ailleurs, simplement parce que c’est plus simple et plus pratique de les acquérir par les canaux légitimés. L’aspect confort a énormément de valeur. Il suffit simplement de laisser faire le marché, plutôt que de gaspiller des ressources à essayer d’empêcher les gens d’obtenir des copies gratuites et volées. Car ce n’est pas de cette manière qu’ils gagneront de l’argent.

Un problème est que la valeur actuelle des livres que les gens veulent réellement posséder est bien moindre que celle qu’il faudrait à l’industrie pour rester en vie. Pour cela, il faudrait d’abord que le livre soit d’une qualité exemplaire du point de vue de la lecture, de façon à ce que le lecteur ne se rende pas compte du temps qui passe, et qu’il ait envie de le lire à nouveau. Comment faire alors qu’il y a une forte sélection (via les extraits qu’on peut lire en ligne) qui empêche une sorte d’achat spontané ? Et qu’en est-il du prix des e-books qui, s’ils ne sont pas plus chers, coûtent la même chose qu’un livre papier, sous prétexte que le e-book a une durée de vie plus longue… Derrière se cache une logique économique qui consiste à fixer le prix le plus élevé que le marché pourrait supporter.

Peut-être que les éditeurs devraient mourir, ainsi que les sous-éditeurs. Peut-être que les auteurs devraient considérer l’écriture comme un hobby, plutôt qu’un emploi à temps plein. Cela mènera à publier moins de livre, mais la liberté de l’auto-publication pourrait en inciter d’autres à monter sur le ring, de façon à contrer l’énorme désavantage qui incarne les maisons d’édition : la promotion sélective.

Et toi, qu’en penses-tu ?

(A lire également : Le procès The Pirate Bay, retour sur un mode de distribution daté)