François Charlet

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Apple c. Lodsys : qui a raison ?

24/05/2011 3 Min. lecture Droit François Charlet

C’est dur à dire, sans connaître exactement les termes de la licence que Lodsys a accordé à Apple. Mais reprenons l’affaire depuis le début.

Il y a une dizaine de jours, des développeurs d’applications pour iOS (iPhone, iPod Touch, iPad) ont reçu des menaces de poursuite de la part de la société Lodsys. Ces menaces portent sur l’utilisation du système d’achat “in-app” que les développeurs peuvent intégrer directement dans leurs applications : cela permet d’acheter des compléments à l’application directement depuis cette dernière. Lodsys conteste que les développeurs d’applications pour iOS aient le droit d’utiliser cette technique, brevetée par Lodsys et dont Apple détient une licence d’utilisation. Plutôt que d’attaquer Apple, Lodsys s’en prend directement aux développeurs.

Selon les termes d’utilisation concernant les applications payantes iOS, les développeurs sont responsables des éventuelles actions en justice pour violation de propriété intellectuelle d’autrui dans leurs applications. De ce point de vue, l’action de Lodsys paraît justifiée.

Hier, Apple a répondu à Lodsys. En substance, Apple rétorque à Lodsys que la société dispose d’une licence d’utilisation valable et que les développeurs d’applications iOS sont également protégés par cette licence d’utilisation. Au vu de la situation, on pourrait donc imaginer qu’Apple accorde une sous-licence aux développeurs d’applications iOS. En principe, les sous-licences sont autorisées à moins que la licence d’origine ne l’exclue (ce qu’on ne peut pas déterminer ici). Apple affirme également que, comme les développeurs utilisent des technologies développées par Apple (et dans lesquelles l’invention de Lodsys est utilisée dans son principe), ceux-là n’ont pas besoin d’un autre accord de licence que celui accordé par Apple.

En définitive, Apple prend la défense de “ses” développeurs. C’est d’ailleurs dans son intérêt de protéger ceux qui font le succès de son App Store et de ses appareils iOS. La réplique de Lodsys est attendue, et elle sera intéressante pour plusieurs raisons. D’abord pour voir si Lodsys décide de se retourner contre Apple et de laisser les développeurs tranquilles ; ensuite afin de découvrir quels sont leurs arguments contraires (et en apprendre plus sur les termes de la licence d’origine) ; enfin pour constater si Lodsys se décide à porter formellement plainte, ce qui serait intéressant d’un strict point de vue légal et jurisprudentiel, en fonction du jugement qui serait rendu. Il n’est pas non plus à exclure qu’Apple choisisse de renégocier les termes de sa propre licence afin d’expliciter son usage par les développeurs d’applications iOS, apparemment sous-licenciés implicites des brevets de Lodsys.

Pour répondre à la question initiale… Qui a raison ? L’action de Lodsys a l’apparence de ce qu’on appelle du “patent troll”, c’est-à-dire des actions en justice basées sur des brevets vagues et généraux et qui visent à obtenir des sommes d’argent conséquentes. Apple a l’air sûre d’elle et il n’est pas improbable de penser que si elle a pris la peine d’acheter une licence à Lodsys pour utiliser ses inventions, c’est pour en faire bénéficier les développeurs d’applications tiers. A première vue, Apple serait donc dans son droit…

Mise à jour du 27 mai 2011 : il semblerait que des développeurs œuvrant pour Android soient également menacés par Lodsys, pour les mêmes raisons.