Webcam et infractions contre l'intégrité sexuelle
Cinquième épisode de la série consacrée au droit pénal informatique suisse.
Webcam et désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel
Le premier problème qui peut surgir lorsqu’on utilise une webcam (i.e. une caméra conçue pour être utilisée comme un périphérique d’ordinateur, et qui produit une vidéo dont la finalité n’est pas d’atteindre une haute qualité, mais de pouvoir être transmise en direct au travers d’un réseau, typiquement Internet [Source]) est d’être confronté à un acte d’ordre sexuel.
Art. 198 du Code pénal suisse (CP)
Celui qui aura causé du scandale en se livrant à un acte d’ordre sexuel en présence d’une personne qui y aura été inopinément confrontée,
celui qui aura importuné une personne par des attouchements d’ordre sexuel ou par des paroles grossières,
sera, sur plainte, puni d’une amende.
Placer une webcam pour voir des choses anodines n’est pas grave en soi, mais que se passe-t-il si quelqu’un voit la webcam et fait exprès de commettre un acte d’ordre sexuel ? On confronte inopinément une personne à un tel acte qui choque autrui tant par l’acte que par sa soudaineté. L’infraction est intentionnelle et le dol éventuel suffit, c’est-à-dire que l’auteur doit au moins accepter l’idée que son comportement va choquer (sans que ça le dissuade de commettre l’acte).
Pour les attouchements (par ex. les “mains baladeuses”) ou les paroles grossières à connotation sexuelle, l’idée est qu’on importune également, bien que ce soit une “version allégée” des actes d’ordre sexuel. Ici aussi, l’infraction est intentionnelle et le dol éventuel suffit.
Webcam et exhibitionisme
L’exhibitionisme est une disposition spéciale par rapport à l’art. 198 CP, c’est-à-dire qu’on la préférera à l’art. 198 CP si ce dernier est applicable.
Celui qui se sera exhibé sera, sur plainte, puni d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus.
Si l’auteur se soumet à un traitement médical, la procédure pourra être suspendue. Elle sera reprise s’il se soustrait au traitement.
Ici, il est nécessaire que l’acte soit connoté sexuellement et motivé sexuellement. Le simple naturisme ne suffit pas. De plus, l’exhibitionnisme peut être commis par un homme comme par une femme (contrairement au viol et même si c’est plus fréquent chez l’homme).
Une personne qui exhibe ses fesses pour exprimer son mépris à une personne ne se rend pas coupable d’exhibitionnisme mais d’atteinte à l’honneur (c’est une injure formelle). En général, il faut exposer ses parties génitales. L’infraction est intentionnelle et le dol éventuel suffit.
Webcam et mise en danger du développement de mineurs
1. Celui qui aura commis un acte d’ordre sexuel sur un enfant de moins de 16 ans,
celui qui aura entraîné un enfant de cet âge à commettre un acte d’ordre sexuel,
celui qui aura mêlé un enfant de cet âge à un acte d’ordre sexuel,
sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
[…]
On réprime une mise en danger du développement sexuel des mineurs. Pour mêler un enfant à un acte d’ordre sexuel (ce qui est aussi grave que l’attouchement), il faut que ce soit explicite et que les enfants ne puissent pas déduire implicitement qu’il se passe quelque chose d’anormal.
L’auteur doit commettre sciemment l’acte sexuel devant l’enfant et vouloir que celui-ci le perçoive. Le fait de mêler l’enfant à un acte d’ordre sexuel signifie que l’auteur place l’enfant comme spectateur de ses agissements sexuels et en fait ainsi un objet sexuel. Il n’est pas nécessaire que l’enfant conçoive la démarche comme sexuelle ; ce dernier ne doit pas forcément saisir le but que l’auteur poursuit par son acte. Le fait de mêler des enfants à un acte d’ordre sexuel nécessite que ces derniers perçoivent directement avec leurs sens le processus extérieur du comportement sexuel comme un tout. Le fait de mêler un enfant à un acte d’ordre sexuel nécessite un comportement d’une certaine importance et par conséquent une participation de l’enfant d’une intensité semblable aux deux autres cas de figure que sont la commission d’un acte d’ordre sexuel sur un enfant ou l’entraînement d’un enfant à commettre un tel acte (ATF 129 IV 168, JT 2006 IV 16).
Le fait de mêler un enfant à un acte sexuel (facilement réalisable avec une webcam) n’implique pas nécessairement que l’enfant voie le sexe de l’auteur. L’expression du visage de l’auteur peut être suffisamment explicite pour l’enfant.
Voilà pour l’essentiel des infractions contre l’intégrité sexuelle pouvant être commises avec une webcam.