François Charlet

Actualités, opinions et analyses juridiques et technologiques internationales et suisses

Seagate, LaCie et Wuala : que va-t-il se passer pour nos données ?

28/05/2012 3 Min. lecture Droit François Charlet

La semaine passée, nous avons appris que l’américain Seagate allait racheter la majorité des actions du français LaCie, avant de procéder à une OPA sur les actions restantes dans le courant de l’année, afin de détenir la totalité des actions. Selon les informations que j’ai glanées ici et là, voici comment la situation a évolué ces dernières années, et ce à quoi il faut peut-être s’attendre à l’avenir.

Je précise au préalable que je ne suis pas expert en droit des sociétés, ni en droit commercial et que toute correction par un spécialiste dans le domaine est bienvenue.

À l’origine, le service Wuala a été créé par Caleido AG, une société anonyme de droit suisse. En 2009, cette société est rachetée par LaCie. Plutôt qu’un rachat, Caleido AG semble avoir été fusionnée avec LaCie (les communiqués de presse parlent de “merger”, ce qui signifie fusion). L’extrait du registre du commerce confirme qu’il y a bien eu une fusion avec la société LaCie AG, société anonyme de droit suisse, sans doute une filiale ou une succursale de LaCie en France.

Ce dernier détail a une importance capitale. Une filiale est une société dont le capital est possédé par une autre société, la société mère. La filiale est juridiquement indépendante de la société mère, mais dépendante financièrement et économiquement. À l’inverse, une succursale est un établissement commercial créé par une société qui est autonome, mais sans être juridiquement distinct de cette société.

Il s’avère que LaCie AG est une filiale de LaCie (elle ne répond pas aux exigences de l’art. 952 al. 2 CO), et elle est rattachée pleinement et entièrement au droit suisse, même si ses actionnaires sont étrangers. Il faut savoir qu’une société anonyme, en droit suisse, est un groupement de personnes doté de la personnalité juridique et qui est indépendante juridiquement de la personne de ses membres. LaCie AG est juridiquement indépendante de LaCie, bien que cette dernière en détienne certainement la majorité voire la totalité des actions. Cela signifie que LaCie AG reste une société suisse, même si LaCie a acquis toutes les actions.

Maintenant, la question qui se pose est de savoir si le droit américain applicable à Seagate pourrait s’appliquer à LaCie AG par le biais de la société mère en France, dont Seagate détiendra bientôt la totalité du capital. Rien n’est moins sûr, et à vrai dire, j’en doute, car le droit français ne s’est pas appliqué à LaCie AG lorsqu’elle était en mains françaises. S’il parait difficile juridiquement que LaCie AG soit (même partiellement) soumise au droit américain puisque sa personnalité juridique est distincte de celle de ses actionnaires, il n’est pas impossible en pratique que cela permette aux États-Unis de soumettre LaCie AG au Patriot Act, par exemple.

À mon avis, cela n’a pas une réelle importance, car les États-Unis font plus ou moins ce qu’ils veulent avec leur droit (qu’ils cherchent d’ailleurs à exporter le plus possible en se déclarant compétent pour tout ce qui touche de près ou de loin à leur juridiction). Ce qui compte ici, c’est que les données restent encryptées via la technologie actuelle, que nos mots de passe ne soient jamais transmis à LaCie AG, et que le stockage des données se fasse toujours en Suisse, en France et en Allemagne, comme c’est le cas maintenant. Quand LaCie AG dit qu’elle restera une société suisse, c’est vrai, à condition que Seagate/LaCie n’en décide pas autrement (ce sont eux les actionnaires, donc ils décident de l’avenir de la société).

Bref, à mon avis, il n’y a pas (encore) de quoi s’inquiéter. Wuala ne devrait pas devenir moins sûr à cause du rachat de la maison mère par Seagate. Mais cela ne doit pas rassurer au point de ne pas surveiller l’évolution de la situation.