François Charlet

Actualités, opinions et analyses juridiques et technologiques internationales et suisses

Google pas responsable des données personnelles apparaissant dans son moteur de recherche ?

26/06/2013 3 Min. lecture Droit François Charlet

Mardi passé, dans le cadre d’un recours préjudiciel auprès de la Cour de justice de l’Union européenne, l’avocat général en charge du dossier à la Cour a remis ses conclusions. Celles-ci ne lient pas la Cour, leur but étant de proposer à la Cour une solution juridique. (Il faut cependant reconnaitre que la Cour suit souvent les conclusions des avocats généraux.)

L’affaire se déroule en Espagne et concerne Google, la protection des données, les droits de la personnalité et le droit à l’oubli. En résumé, il convient de déterminer si Google est responsable des données personnelles qui apparaissent dans les résultats du moteur de recherche si ces données sont traitées par un tiers, ici le site web d’un média espagnol. La personne en cause a demandé à Google de retirer de son index les pages du journal qui faisaient mention d’une saisie immobilière suite à une procédure de recouvrement de dettes ayant eu lieu à la fin des années 90.

De l’avis de l’avocat général, le droit européen de la protection des données ne permet pas de considérer Google comme responsable du traitement des données à caractère personnel qui apparaissent dans son moteur. Google n’a aucun contrôle sur les données du site d’un tiers puisqu’il ne fournit qu’un outil de localisation de ces données. De fait, Google ne peut être reconnu comme responsable de ces données et on ne peut exiger de lui qu’il retire les informations se trouvant dans son index si le site tiers a légalement publié les données et accepté qu’elles soient indexées.

L’avocat général s’est demandé si le droit à l’oubli s’appliquait en l’espèce. Comme la directive européenne sur la protection des données à caractère personnel n’établit pas de droit à l’oubli, on ne peut invoquer un tel droit contre un moteur de recherche (notamment). Les droits d’effacement ou de rectification prévus par la directive ne concernent que les cas où le traitement ne satisfait pas aux dispositions de la directive, par exemple si les données sont incomplètes ou inexactes. De plus, il ne semble pas qu’on se trouve ici dans une situation où la personne en cause peut invoquer des raisons prépondérantes et légitimes pour s’opposer au traitement. En effet, la publication de ses données faisait partie de la procédure et répondait aux conditions légales. Il serait inadmissible qu’un particulier puisse demander à supprimer des contenus juridiquement justifiés et entrés dans la sphère publique sous prétexte qu’ils portent atteinte à ses intérêts quand on recherche des informations sur lui.

Google a réagi à ces conclusions.

Il s’agit d’un avis important pour la liberté d’expression. Nous sommes satisfaits de constater [que l’avocat général] soutient notre position de longue date selon laquelle demander aux moteurs de recherche de supprimer des informations légales et légitimes reviendrait à de la censure.

Il ne reste plus qu’à attendre l’appréciation de la Cour, mais il est probable qu’elle suive cette position. Peut-être que le Parlement européen viendra contredire, dans un futur plus ou moins proche, cet avis avec la prochaine réforme de la directive sur les données personnelles.