François Charlet

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La vidéosurveillance dans une école autorisée dans le canton de Vaud

08/04/2013 4 Min. lecture Droit François Charlet

Le Tribunal cantonal du Canton de Vaud a débouté le préposé cantonal à la protection des données et à l’information dans une affaire concernant la vidéosurveillance dans une école vaudoise (affaire n° GE.2012.0139).

En résumé, la surveillance d’espaces extérieurs de bâtiments scolaires, même pendant les heures de cours – bien que cela puisse porter atteinte à la liberté personnelle, au droit au respect de la sphère privée, au droit d’être protégé contre l’emploi abusif de données personnelles et à la liberté de réunion – repose sur des bases légales suffisantes, répond à un intérêt public et est proportionnée au but visé puisque les élèves et enseignants ne sont filmés qu’à l’extérieur des bâtiments.

En 2005, le Conseil communal a donné son accord pour l’installation de plusieurs caméras suite à des violences, rackets, agressions et actes de vandalisme répétés à proximité ou sur le site du collège. Ces caméras fonctionnent en permanence et leurs images sont visibles également en permanence sur des écrans installés au poste de police de la commune. Les images ne peuvent être traitées (consultées, effacées, etc.) que par le Commandant de la police, et elles sont effacées après 48 heures.

Suite à l’entrée en vigueur en 2007 de la loi cantonale sur la protection des données (LPrD), la commune a transmis au Préposé une demande d’autorisation pour les caméras, pour les raisons ci-dessus.

Le Préposé a estimé que le fait de filmer en permanence ne répond pas au principe de proportionnalité. Ne pouvant pas se baser sur une jurisprudence fédérale ou cantonale (Vaud), il s’inspire des décisions de la CNIL, en France, et de recommandations d’autorités allemandes de protection des données.

On constate une opposition fondamentale entre [la] mission [de l’école], qui vise à contribuer au développement de la personnalité des élèves, et l’instauration d’une surveillance permanente par le biais de moyens technologiques. L’utilisation de caméras de vidéo surveillance dans les écoles n’est à cet égard pas anodine et ne doit être admise que de manière restrictive. [L]es personnes concernées, élèves et enseignants principalement, n’ont pas d’autre choix que de se trouver dans le champ des caméras. […] Le principe de proportionnalité commande par conséquent de ne pas filmer durant les heures de cours.

Un autre argument concerne les mesures de sécurité. Si le Commandant de police est le seul autorisé à traiter les données, les accès aux données ne sont pas journalisés.

Le Préposé a donc accepté d’autoriser ces caméras sous réserve qu’elles ne fonctionnent qu’en dehors des heures de cours et que les accès aux images soient journalisés (au moins manuellement). La commune a recouru contre cette décision, recours qui a été admis par le Tribunal cantonal.

Les restrictions aux droits énoncés ci-dessus doivent reposer sur une base légale, être justifiées par un intérêt public prépondérant (ou pour protéger un droit fondamental d’autrui) et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 Cst). Selon l’art. 22 LPrD, une base légale formelle peut autoriser un système de vidéosurveillance : en l’occurrence, cette ase légale se trouve à l’art. 45 du règlement de police de la commune. Dans un arrêt du Tribunal fédéral (ATF 120 Ia 147), la prévention et la répression d’infractions pénales sont des motifs qui peuvent justifier des restrictions aux libertés et constituent donc des intérêts publics. On en déduit donc que les exigences de la base légale et de l’intérêt public sont remplies.

Quant à la proportionnalité, le Tribunal a jugé qu’elle était respectée. Tout d’abord, les caméras auraient effectivement eu un effet positif en terme de prévention. Ensuite, la présence des élèves et enseignants n’est pas suffisante pour prévenir les infractions pendant la journée. De plus, on ne pourrait pas non plus remplacer les caméras par des agents de sécurité, car ce serait trop coûteux et ne garantirait pas nécessairement mieux la liberté personnelle des enseignants et élèves. Par ailleurs, l’effacement des données vidéo après 48 heures atténue l’atteinte à la liberté personnelle et à la sphère privée. Enfin, comme les élèves et enseignants ne sont filmés qu’à l’extérieur des bâtiments, on ne peut pas soutenir que la mission de l’école s’en trouve compromise.

En conclusion, la décision du Préposé est réformée et le commune est autorisée à filmer l’extérieur des bâtiments pendant les heures régulières de cours.