François Charlet

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Le piratage n'aurait pas d'effet négatif selon une étude commandée par l'Union européenne

19/03/2013 3 Min. lecture Technologies François Charlet

Il y a de quoi faire grincer des dents. Un institut espagnol financé par l’Union européenne a publié une étude (intitulée “Digital Music Consumption on the Internet : Evidence from Clickstream Data”) qui arrive à la conclusion que le piratage aurait un petit effet positif sur les achats de musique, néanmoins moins prononcé que l’effet qu’a eu le streaming légal sur ces mêmes achats.

La méthodologie utilisée est la suivante : les données relatives au trafic Internet de 25'000 européens sont récoltées grâce au programme Nielsen NetView (du service Nielsen Online qui permet de mesurer l’audience). Pendant l’année 2011, les clics de ces internautes ont été analysés. Les internautes étaient répartis à parts égales entre la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne. Les données récoltées étaient notamment constituées de l’URL visitée, l’heure et la durée de la visite. Après élimination des internautes qui n’allaient pas sur des sites où on trouvait de la musique, restaient environ 19'000 personnes. L’institut a alors dégagé près de 800 sites où l’on peut consommer de la musique (légalement ou non) et qui ont été au moins visités 300 fois. Les autres sites n’ont pas été pris en considération. Puis, il a établi des statistiques entre les visites sur des sites illégaux, les sites de streaming légal et les autres sites commerciaux (légaux également).

Des résultats à relativiser

Le biais qui saute aux yeux à la lecture de cette étude, c’est que les internautes “surveillés” savent que leur trafic est analysé. Ils ont consenti à cette collecte de données à des fins statistiques et cela peut engendrer un certain biais : sachant qu’on est surveillé, même de façon anonyme, il n’est pas impossible que certains internautes fassent attention aux sites qu’ils visitent et utiliseraient un autre ordinateur ou une autre connexion pour leurs activités… inavouables.

De plus, l’effet positif annoncé est minime. En effet, pour 10 % d’augmentation des clics sur les sites de téléchargement illégaux, l’augmentation des clics sur les sites légaux n’est que de 0.2 %. Autrement dit, selon l’institut, les clics sur les sites légaux auraient été 2 % moins élevés sans les sites illégaux. Les données suggèreraient que la majorité de la musique consommée illégalement n’aurait pas été achetée si le téléchargement illégal n’existait pas.

Enfin, on ne peut pas vraiment affirmer que le piratage est bénéfique aux ventes de musique, précisément car les sites de streaming légaux ont un effet positif plus fort que les sites illégaux. En effet, 10 % de clics en plus sur les sites de streaming légaux amèneraient 0.7 % de clics en plus sur les sites où l’on peut acheter de la musique.

Et l’institut de conclure :

[…] Les revenus de la musique en ligne pour les labels sont en constante progression, ce qui reflète l’importance grandissante de la musique digitale dans l’industrie. Vue sous cet angle, l’étude suggère que le piratage ne devrait pas être vu comme un sujet d’inquiétude croissante pour les ayants droit dans l’ère numérique. […]

J’en connais qui ne seront pas d’accord avec cette conclusion.