L'utilité du disclaimer et du blabla juridique en pied de page des e-mails
On le rencontre partout. Dans les e-mails de cabinets d’avocats, de sociétés, d’entreprises, et j’en passe. Le disclaimer nous envahit. Même ce blog en a un. Mais le disclaimer a-t-il vraiment une utilité ? Ou est-il inutile comme la notice de copyright ?
Disclaimer supplémentaire : si vous lisez cet article et qu’il vous est destiné ou utile d’une quelconque manière, avertissez immédiatement l’auteur en publiant un commentaire.
Le disclaimer, en plus d’engendrer du gaspillage de papier et d’encre lorsque l’e-mail est imprimé, n’est pas lu par le destinataire la plupart du temps. À l’instar des conditions générales. Et ce qui est étonnant, c’est qu’il n’est appliqué que dans les e-mails, et très rarement dans la correspondance postale. Mais penchons-nous plutôt sur le droit.
Admettons que vous receviez par erreur un e-mail d’un avocat qui expose à son client des faits confidentiels et couverts par le secret professionnel (art. 13 LLCA, art. 321 CP). Au bas de l’e-mail se trouve le disclaimer suivant :
Ce message contient des informations confidentielles destinées à la personne mentionnée ci-dessus. Si vous n’êtes pas cette personne, vous n’avez pas l’autorisation de révéler ces informations, de les transmettre à qui que ce soit ou d’en faire des copies. Avertissez l’expéditeur immédiatement et détruisez cet e-mail.
Que se passera-t-il si vous ne vous conformez pas à ces indications ? À vrai dire, pas grand-chose.
Si vous supprimez l’e-mail, comme le ferait sans doute toute personne, même sans en avertir l’expéditeur, vous ne vous exposez à aucune plainte ou poursuite. En effet, ce que le disclaimer cherche à faire est de vous imposer unilatéralement des obligations contractuelles. Cependant, en droit suisse ainsi que dans d’autres systèmes juridiques, un contrat nécessite le consentement des deux parties (art. 1 et suivants CO), consentement que vous pouvez donner ou refuser. Le disclaimer est donc plutôt une proposition de contrat de confidentialité que vous pouvez accepter ou non.
Si vous ne supprimez pas l’e-mail, vous ne risquez rien non plus pour les mêmes raisons.
En supposant que vous révéliez le contenu de l’e-mail à des tiers, ou aux médias, les choses peuvent se compliquer un peu. Tout d’abord, il faut savoir que vous ne risquez pas d’être poursuivi pénalement pour violation du secret professionnel (art. 321 CP) car vous ne faites pas partie des personnes mentionnées par la loi et à qui le secret a été confié. Celui-ci vous est parvenu par erreur ; cette erreur a été malheureusement commise par l’avocat ou son auxiliaire, la responsabilité leur revient. Concernant l’art. 179 CP, il n’est pas applicable aux e-mails ou aux fax car ils ne constituent pas des plis ou colis fermés au sens de la loi (ATF 126 I 50, spéc. p. 65). Néanmoins, si vous n’êtes pas punissable pénalement, vous risquez par exemple d’être poursuivi civilement pour atteinte à la personnalité (art. 28 et suivants CC).
De manière générale, la seule information juridiquement correcte dans un disclaimer est la mention du caractère confidentiel des informations contenues dans l’e-mail. Le reste n’est que du blabla qui n’est pas vraiment justifié du point de vue juridique. Si ce n’est peut-être pour que l’expéditeur puisse se défendre au tribunal que l’e-mail contenait ce disclaimer. Je doute cependant qu’un juge y attache de l’importance…
Finalement, le disclaimer n’est qu’un rappel de bonne conduite auquel personne ne prête plus aucune attention et que tout le monde inclut dans sa correspondance électronique parce que les autres le font aussi. Un peu comme l’utilisation de mots latins dans le milieu juridique qui est devenue une habitude dont on a de la peine à se défaire.