François Charlet

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Quel genre de droit à l'oubli voulez-vous ?

15/10/2013 2 Min. lecture Opinions François Charlet

On a beaucoup parlé ces derniers temps du droit à l’oubli. La Californie a adopté une loi dans ce sens il y a quelques semaines. L’Union européenne se pose la question en ce moment même ainsi que les différentes autorités européennes de protection des données. La CNIL française a par exemple organisé une consultation sur le sujet auprès des acteurs du monde numérique.

Après avoir donné mon opinion sur cette question, j’aimerais connaitre la vôtre.

On a vu nombre d’arguments contre le droit à l’oubli, mais aussi pour. Certains veulent que tout puisse être effacé quand on le demande, d’autres estiment que c’est techniquement impossible. Ceux-ci y voient une forme de censure d’Internet mettant en danger la liberté d’expression, alors que les premiers y voient un renforcement du droit à l’autodétermination informationnelle.

Pour ma part, je suis partagé. Notamment pour deux raisons.

Premièrement, je n’aime pas l’idée que tout un chacun puisse effacer ses traces quand bon lui semble, car cela pourrait encourager des comportements contraires aux moeurs ou au droit. Tout un chacun pourrait alors commettre des atteintes au droit à l’image, à la personnalité, à l’honneur et puis ensuite effacer les données de ces actes. On en viendrait à oublier que le droit existe car on pourrait tout effacer. La technologie permettrait  une sorte de déresponsabilisation.

Deuxièmement, je pense qu’il est important d’entretenir le devoir de mémoire. En particulier, le droit à l’oubli ne devrait en principe pas s’appliquer aux médias. Comme l’avait dit – à mon avis, avec raison – le Tribunal fédéral dans une affaire de 1983 (ATF 109 II 353), on ne peut pas déduire que la personnalité et l’histoire de la vie d’un individu ayant commis des crimes effroyables restent accessibles au public dans même mesure pour tous les temps. Dans un tel cas, purger la peine est une resocialisation qui exige que l’oubli, qui fait partie du cours normal des choses, intervienne. Au-delà du droit, il y a évidemment des questions de société, de psychologie, voire de philosophie et d’histoire…

Cependant, je ne suis pas opposé au droit à l’oubli. Il faudrait seulement bien en définir les modalités d’application, en exclure la presse, en limiter l’utilisation à des cas particuliers. Par exemple, en lieu et place de l’effacement, on pourrait plutôt préconiser un déréférencement (ou une désindexation) du nom de la personne concernée, ou une anonymisation.

Et vous, voulez-vous un droit à l’oubli ? Et si oui, comment l’imaginez-vous ?