François Charlet

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Le contournement du système de protection d’une console de jeux vidéo peut, dans certains cas, être légal

23/01/2014 3 Min. lecture Droit François Charlet

Il y a quelques heures à peine, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision (C-355/12) dans une affaire concernant la société Nintendo. La décision provient d’une demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale di Milano (Italie) et touche à la protection des mesures techniques destinées à empêcher ou à limiter des actes non autorisés par le titulaire du droit (article 6 de la Directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information).

Extraits choisis (communiqué de presse). L’opinion de l’avocat général peut être consultée ici. La décision n’a pas encore été publiée.

[Nintendo] installe un système de reconnaissance dans les consoles et un code crypté sur le support de jeux vidéo, ce qui a pour effet d’empêcher l’utilisation de copies illégales de jeux vidéo. Ces mesures techniques de protection empêchent que les jeux sans code puissent être lancés sur un appareil Nintendo et que des programmes, des jeux et, plus généralement, des contenus multimédias autres que ceux de Nintendo soient utilisés sur les consoles. [Opinion]

[PC Box] commercialise des appareils [ici, en l’occurrence, ce sont les consoles DS et Wii qui sont concernées, ndr] pouvant servir à permettre l’utilisation d’autres jeux, en ce compris des jeux qui ne sont pas des copies de jeux produits ou autorisés par le fabricant de la console, sur lesdites consoles. [PC Box] affirme que le but poursuivi par [Nintendo] – qui souhaite empêcher la commercialisation de tels appareils – est non pas d’empêcher la copie non autorisée de ses jeux (but qui doit être protégé contre tout contournement, en application de l’article 6 de la directive 2001/29), mais d’augmenter les ventes de tels jeux (but qui n’appelle aucune protection à ce titre). [Opinion]

Il n’est pas contesté que les dispositifs de PC Box peuvent être utilisés pour contourner l’effet de blocage de l’échange des informations cryptées entre, d’une part, les jeux Nintendo et sous licence Nintendo et, d’autre part, les consoles Nintendo. De même, il n’est pas contesté que l’effet de blocage des mesures de Nintendo conduit à empêcher de jouer d’autres jeux que des jeux Nintendo et sous licence Nintendo sur des consoles Nintendo et que les dispositifs de PC Box permettent également de contourner cet effet.[…] Les mesures techniques qui sont à la fois incorporées dans les supports physiques des jeux vidéo et dans les consoles et, qui nécessitent une interaction entre elles, relèvent de la notion de “mesures techniques efficaces” au sens de la directive dès lors que leur objectif est d’empêcher ou de limiter les actes portant atteinte aux droits du titulaire. [Opinion]

La Cour constate ensuite que la protection juridique couvre uniquement les mesures techniques destinées à empêcher ou éliminer les actes non autorisés de reproduction, de communication, de mise à disposition du public ou de distribution des œuvres, pour lesquels l’autorisation du titulaire d’un droit d’auteur est exigée. Cette protection juridique doit respecter le principe de proportionnalité sans interdire les dispositifs ou activités qui, sur le plan commercial, ont un but ou une utilisation autre que de contourner la protection technique à des fins illicites. [Communiqué de presse]

La CJUE a donc suivi l’avocat général dans ses conclusions. Dans le fond, c’est une victoire pour Nintendo car, selon le communiqué de presse, le principe général tel que formulé par la directive va essentiellement dans le sens de Nintendo et seulement un petit peu dans le sens de PC Box. Ce sera au Tribunal de Milan de déterminer si les dispositifs de PC Box sont surtout utilisés pour violer les droits d’auteur de Nintendo ou s’ils sont utilisés à d’autres fins.