Le vote sur la sécession de la Crimée est inéquitable et illégal. Vraiment ? Vraiment.
Sans s’embarquer dans le débat politique enflammé sur la situation actuelle en Crimée, il me semble important d’expliquer quelques notions de base qui semblent avoir été oubliées dans quelques articles et discussions que j’ai lus et entendues cette semaine.
Le droit international reconnait le droit des peuples du monde à disposer d’eux-mêmes. On retrouve ce principe notamment à l’art. 1 de la Charte des Nations Unies.
Les buts des Nations Unies sont les suivants : […]
Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde; […]
Aussi appelé droit à l’autodétermination, ce principe signifie que tout peuple a le droit collectif de choisir librement, souverainement et sans influence extérieure comment il souhaite s’organiser politiquement.
On s’en rend compte à peine le principe énoncé : il est vague et compliqué à appliquer. Comment définit-on un peuple ? Par la nationalité ? Par le sentiment d’appartenance à une culture, une ethnie ?
Ce qui est certain, c’est que le droit international ne reconnait pas explicitement un droit à faire sécession (quelle que soit la raison). Cependant, il se garde bien de l’interdire. De ce point de vue, la déclaration d’indépendance de la Crimée est légitime. D’ailleurs, elle possède déjà le statut de république autonome.
Le référendum est légitime, mais cependant illégal. On nage en pleine contradiction, n’est-ce pas ? Bien qu’il est fort peu probable qu’une organisation internationale bouge le petit doigt pour s’opposer au référendum ou défendre le droit de la Crimée à faire sécession, ce référendum est légitime du point de vue du droit international. Mais il ne l’est pas selon la Constitution ukrainienne.
Cette dernière dispose à son article 73 que :
Виключно всеукраїнським референдумом вирішуються питання про зміну території України.
Si vous ne lisez pas couramment l’ukrainien, l’art. 73 signifie que toute question relative au territoire ukrainien doit être traitée par un référendum national.
La Crimée viole donc la Constitution ukrainienne en ne demandant pas l’avis des autres Ukrainiens. Ou c’est peut-être l’Ukraine qui viole le droit à l’autodétermination de certains Ukrainiens de Crimée en n’organisant pas également un référendum sur l’indépendance de la Crimée. On ne sait plus où on en est.
Cependant, les exemples ne manquent pas pour illustrer des cas de sécession sans l’accord du pays parent (mère ou père). Les Etats-Unis d’Amérique ont coupé le cordon ombilical avec l’Angleterre et ont commencé une guerre d’indépendance sans que Sa Majesté n’ait donné sa bénédiction. Plus récemment, le Kosovo s’est séparé de la Serbie sans que l’État serbe n’ait son mot à dire. Et je ne parle pas des autres États, qui ont finalement reconnu en majorité le nouvel Etat kosovar.
Si la question de la légalité est relativement claire, une autre l’est moins. La Crimée a-t-elle le droit de se séparer de l’Ukraine ? Celle-ci, je vous la laisse.
Quant au choix des Ukrainiens de Crimée, celui-ci sera amputé de la possibilité de conserver le statu quo (à moins de voter blanc). Dans les urnes, on pourra voter pour la sécession, ou pour l’absorption par la Russie.
Inéquitable, vous dites ?