Les curieuses conceptions qu'ont les gens sur les avocats
Depuis que j’ai commencé mon stage d’avocat en août, j’ai entendu de nombreuses personnes parler des avocats et il semblerait que certaines personnes aient des opinions curieuses à leur sujet. Voici une sélection, que vous êtes bien évidemment invités à compléter !
Quand l’avocat refuse, c’est parce qu’il a peur
C’est l’impression qu’a peut-être une personne quand elle croit avoir été victime de quelque chose. C’est certainement le cas du point de vue émotionnel, mais juridiquement c’est différent. Tout ne peut pas être poursuivi. La loi pose des conditions et si elle ne sont pas remplies, à quoi bon perdre son temps et son argent ? Pourtant, cela semble difficile à entendre. Que veut-on d’un avocat ? Qu’il dise tout le temps qu’on peut gagner, qu’il y a moyen de faire quelque chose ? Ou qu’il soit honnête en donnant son avis juridique ?
L’intervention d’un avocat est gratuite
Peut-être parce que les frais du médecin sont souvent pris en charge par l’assurance, on pense que l’avocat travaille gratuitement ou est payé d’une autre manière. Si cela peut arriver (assistance judiciaire, protection juridique, etc.) ce n’est en général pas le cas. Et c’est sidérant de voir que les gens pensent que l’avocat va continuer à bosser si le client ne paie plus ou ne peut plus payer. Mais d’où vient cette idée que les conseils juridiques ou la représentation en justice sont gratuits ?
Non, vous n’obtiendrez pas 1 million
Une opinion plutôt rare, mais il semble que les affaires aux États-Unis fassent miroiter des sommes colossales à certains en guise de dommages et intérêts ou tort moral. Mais non. Le tort moral dépasse rarement la vingtaine de milliers de francs. Quant aux dommages et intérêts, c’est très variable. Aller en justice pour gagner de l’argent, c’est en général une opération peu rentable, tout au plus cela sert-il à récupérer ce qu’on a perdu ou à en récupérer une partie. Et c’est déjà ça…
L’avocat est disponible 24/24h
Comme tout le monde, l’avocat a le droit à une vie en dehors de l’étude. Et puis, l’avocat n’a pas qu’un seul client. Si l’avocat donne parfois des priorités en fonction de l’urgence par exemple, il ne peut pas être disponible à toute heure (à moins d’y mettre le prix, mais comme on s’imagine que l’avocat travaille gratuitement…).
L’avocat ment
Sérieusement ? Non, l’avocat ne va pas mentir sciemment au tribunal. “Soutenir” les arguments du client ne constitue pas forcément un mensonge (“mon client dit que…”). Le boulot de l’avocat est de fournir la meilleure défense à son client et si ce dernier parvient à gagner en racontant des bobards, tant mieux pour lui. Mais pour un avocat, mentir peut lui valoir de sérieux ennuis.
L’avocat n’a aucune notion de l’éthique
Certains avocats, peut-être. Il y a des gens malveillants partout. Mais l’écrasante majorité des avocats a une conscience. Et la profession est soumise à un code de déontologie très strict ainsi qu’à des règles professionnelles issues d’une loi fédérale et des lois cantonales. En fin de compte, il reste humain, malgré tout le détachement et l’abnégation dont il peut faire preuve.
Quand l’avocat perd, c’est qu’il a mal travaillé
Cela peut arriver, évidemment. Mais ce que l’on perd souvent de vue, c’est qu’au tribunal, il y a toujours un gagnant et un perdant (y compris lorsqu’on concilie). Le juge aussi peut perdre, mais seulement son temps et sa patience. Même s’il a les meilleurs arguments du monde, l’avocat peut ne pas gagner. Ca ne veut pas dire qu’il est nul, ou que l’autre partie est meilleure. Certaines causes sont indéfendables, d’autres sont vouées à l’échec (et ce n’est parce qu’il a peur), certaines sont 50-50 et le juge décidera de l’issue, d’autres peuvent être gagnées mais les faits et/ou le droit ne sont pas en notre faveur, etc.
Une fois que l’affaire est gagnée, c’est terminé
C’est amusant de voir que lorsqu’on gagne, on oublie vite qu’un recours ou qu’un appel venant de la partie qui a perdu est souvent encore possible ou qu’il faut encore aller devant le juge civil pour chiffrer les dommages et intérêts après un procès pénal (par exemple), alors que lorsqu’on perd, la première question qui est posée à l’avocat est : on peut faire recours ?
L’avocat passe son temps au tribunal à plaider
Si c’était vrai, comment aurait-il le temps de recevoir des clients dans son étude ? Non, l’avocat travaille dans une étude, analyse et traite ses dossiers, et va de temps en temps au tribunal en fonction de la procédure. Par ailleurs, beaucoup d’affaires se règlent par un simple échange d’écritures.
L’avocat sait tout de chaque domaine du droit
On rappelle à l’envi qu’un juriste est spécialiste et qu’un avocat est généraliste. Pourtant l’inverse est aussi vrai. Un avocat a une connaissance générale du droit, c’est vrai. Mais il ne sait pas tout. Inversement, un avocat spécialisé dans un domaine n’est pas totalement ignorant d’autres domaines.
L’avocat peut sortir n’importe qui d’une situation désespérée
Tout comme un médecin ne peut pas guérir tous ses patients, un avocat ne peut pas faire éviter la case prison à une personne accusée de meurtre et contre laquelle le ministère public a des preuves ADN, des témoignages, une caméra vidéo qui a filmé la scène, d’autres documents, etc. A moins qu’une erreur de procédure ne surgisse, mais il ne faut pas rêver non plus. Un avocat n’est pas un magicien (bien qu’il aimerait l’être parfois).