François Charlet

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Quand on protège le design d'un... cure-dent.

06/10/2014 3 Min. lecture Droit François Charlet

Les États-Unis n’en sont pas à leur premier coup. En matière de brevet et de design, on protège tout et n’importe quoi outre-Atlantique. Évidemment, quand on utilise un modèle économique basé, entre autres, sur la propriété intellectuelle, tout le monde cherche à se prémunir de tout. Le rêve américain du 21e siècle n’est plus d’être propriétaire d’une maison, mais d’être détenteur de brevets. C’est moins pratique pour inviter quelqu’un en cure-dent.

Le cure-dent

Le design D 714,495 accorde donc la paternité du design d’un cure-dent à une personne. Voilà le cure-dent en question :

Toothpick

Le droit

Le droit des design impose que, pour être protégé, un design doit être nouveau et original. Cela ressort tant du droit suisse (article 2, alinéa 1 de la Loi fédérale sur la protection des designs ; LDes) que du droit américain (U.S. Code, Titre 35, Partie 2, Chapitre 16, § 171).

Un design peut être protégé à condition d’être nouveau et original. (LDes)

Whoever invents any new, original and ornamental design for an article of manufacture may obtain a patent therefor, subject to the conditions and requirements of this title. (U.S. Code)

Le droit suisse explique ce que “nouveau” et “original” signifient.

Un design n’est pas nouveau si un design identique, qui pouvait être connu des milieux spécialisés du secteur concerné en Suisse, a été divulgué au public avant la date de dépôt ou de priorité. (art. 2 al. 2 LDes)

Un design n’est pas original si, par l’impression générale qu’il dégage, il ne se distingue d’un design qui pouvait être connu des milieux spécialisés du secteur concerné en Suisse que par des caractéristiques mineures. (art. 2 al. 3 LDes)

Le droit européen propose les mêmes caractéristiques dans la directive 98/71/CE du 13 octobre 1998.

Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si, à la date de présentation de la demande d’enregistrement ou à la date de priorité, si une priorité est revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants. (art. 4)

Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de présentation de la demande d’enregistrement ou la date de priorité, si une priorité est revendiquée. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle. (art. 5)

Nouveauté et originalité ?

Mais où résident donc la nouveauté et l’originalité dans ce cure-dent ? Le fait qu’on y fasse deux entailles ou qu’un peigne deux lignes qui font le tour de l’objet suffit-il à le rendre original et nouveau ? Je suis certain que tout le monde a déjà vu ou utilisé un cure-dent qui ressemble furieusement au dessin ci-dessus.

Ce qui est particulièrement fantastique, c’est que désormais, quiconque vend ou commercialise un cure-dent qui serait similaire à celui-ci violera le design protégé et sera amendable.

Commentaire

Faites comme je dis, pas comme je fais.

Voilà comment on pourrait résumer l’attitude des États-Unis en matière de propriété intellectuelle. Ils se permettent de donner des leçons en matière de droit d’auteur, s’émeuvent du piratage, dressent des listes de pays qui sont de bons élèves en la matière, d’autres qui sont au coin avec un bonnet d’âne.

Mais lorsqu’il s’agit d’appliquer la loi, c’est autre chose. Y a-t-il des juristes au United States Patent and Trademark Office (USPTO) ?