Militaires, méfiez-vous des déménagements !
Une bonne partie des militaires suisses se retrouvant aux prises avec la justice militaire l’est par un acte à première vue insignifiant et de loin pas pénalement répréhensible, le changement de domicile. Si nul ne devrait ignorer la loi, il est assez flagrant de constater qu’il y a en matière de changement de domicile une absence de clarté qui conduit régulièrement des miliciens à violer le droit sans même s’en rendre compte. Car l’obligation d’annoncer tout changement de domicile est une prescription de service dont la violation est une infraction pénale.
Le droit suisse contient une catégorie particulière de citoyen, les personnes astreintes aux déclarations obligatoires. Cette obligation découle de l’art. 27 al. 1 LAAM et des art. 12 et suivants de l’OCoM. Ces personnes doivent annoncer dans les 14 jours tout changement de domicile aux autorités compétentes. Pour le savoir, il suffit d’ouvrir son livret de service à la première page et d’y lire les instructions. Reste que ce n’est évidemment pas le premier réflexe du milicien lors d’un déménagement. On pense à ses assurances, sa banque, à l’annonce d’arrivée dans la nouvelle commune, mais pas à ouvrir son livret de service, soigneusement rangé tout au fond d’un carton. Imaginons donc que le milicien lambda vaudois que nous prenons comme exemple n’ait pas lu attentivement son livret de service, mais que, consciencieux, il se renseigne sur les démarches à effectuer en cas de changement de domicile. Il se rend donc sur le site du canton de Vaud qui lui donne une réponse extrêmement simple : en cas de changement de domicile, il faut se présenter au contrôle des habitants de la commune d’arrivée dans les 8 jours. C’est tout.
Imaginons alors que, particulièrement consciencieux, notre milicien vaudois ait une vague idée de démarches liées à ses obligations militaires et se rende sur la page du site du canton de Vaud qui y est consacrée. Il y découvre alors qu’il doit en effet annoncer son changement de domicile dans les 14 jours au “chef de section”. On ne pourrait trouver un terme plus vague et portant plus à confusion. S’agit-il du brave Lieutenant Kaltenbacher, son chef de section à l’école de recrue ? Ce dernier serait bien surpris de recevoir une annonce de changement de domicile et bien incapable d’y donner une suite légale. Non, il s’agit du nom donné à l’autorité compétente, mais on n’en sait pas beaucoup plus. Il y a bien une adresse, mais qui ne fait aucune mention du chef de section. Le site du canton de Vaud nous gratifie ensuite d’une superbe carte des arrondissements militaires, sans aucune légende se rapportant à un “chef de section” :
Il remarque ensuite un lien le redirigeant le milicien désemparé vers les références fédérales. Il se sent rassuré, Berne a pensé à tout, le voilà sur le bon chemin. Le site de l’administration fédérale douche pourtant froidement son enthousiasme. Il est alors ici question d’une annonce au chef de section ou au commandement de l’arrondissement militaire. Cette carte serait-elle donc utile au final ? L’administration propose également un lien vers la liste des chefs de section et des commandants d’arrondissements, le voilà sauvé. Mais voilà qu’il tombe sur un fichier Excel indigeste, que chercher ? Doit-il chercher sa commune de départ ? D’arrivée ?
Découragé, notre milicien vaudois renonce. Il pourrait appeler le service de la sécurité civile et militaire du canton de Vaud, mais commettant l’irréparable, il se dit que l’information finira bien par suivre. Je vous résume la suite des événements. Après son déménagement, les mois passent et occupé à son nouvel emploi il ne se préoccupe plus de ses obligations militaires. Malheureusement, durant cette période, il devait accomplir un cours de répétition. Un ordre de marche lui a été envoyé à son ancienne adresse. Comble de malchance, ses parents n’y vivent plus et le courrier reste sans réponse. C’est seulement bien plus tard qu’il recevra un courrier lui annonçant qu’il a violé le droit militaire et qu’il a commis une inobservation des prescriptions de service, article 72 du Code pénal militaire.
Sachant que la plupart des miliciens ne passent même pas par l’étape de la recherche d’informations sur l’obligation d’annoncer un changement de domicile à l’autorité compétente en matière d’obligation militaire, on est face à un système qui crée des infractions par son seul manque de clarté. En allant jeter un coup d’œil sur les sites officiels des autres cantons romands, je me suis rendu compte que le canton de Vaud n’est pas le seul à faire errer ses militaires. Si le site du canton de Fribourg ne donne pas plus d’informations que son voisin vaudois, le site de Neuchâtel est lui complètement muet. Les autres cantons romands font bien mieux en en donnant tous une adresse postale directement liée à l’annonce de changement de domicile. Mais dans ces derniers cas, il faut tout de même avoir le réflexe de se rendre sur la page des obligations militaires. Dans aucun cas, les informations sur le changement de domicile, tant celles qui concernent les obligations civiles que militaires, ne se trouvent sur une seule page.
Pour ne pas laisser le lecteur dans l’ignorance, j’ai posé la question au Service de la sécurité civile et militaire du canton de Vaud. Leur réponse est la suivante: dès le jour du changement de domicile, il faut envoyer le livret de service (tiens! voilà une information qu’on n’avait pas encore) accompagné d’une note explicative avec la nouvelle adresse à la Division des affaires militaires et logistiques, Service de la sécurité civile et militaire, Département des institutions et de la sécurité, Place de la Navigation 6, Case postale 16, 1110 Morges 1.
Reste à rappeler que la déclaration est également obligatoire en cas de séjour à l’étranger de plus de 12 mois sans interruption (art. 27 al. 2 LAAM et art. 16 et suivants OCoM). Le délai d’annonce est alors de 2 mois avant le départ.