Question insolite : sexe, sperme, femme enceinte, consentement et responsabilité juridique de l'homme
Internet regorge d’endroits d’où l’on ressort bouche bée. Lundi, en surfant sur le web et en me laissant porter de site en site (vivent les “cet article pourrait vous intéresser” et autres combines), je suis tombé sur une question juridique insolite, et un peu crue. Pourtant, je me dis qu’elle a dû, doit et devra, une fois, peut-être traverser l’esprit d’un homme. Et, très sérieusement, je vais y répondre.
La question, traduite de l’anglais, est la suivante :
Si j’éjacule sur le visage d’une femme et que celle-ci introduit le sperme en elle sans mon consentement, suis-je légalement responsable si elle tombe enceinte ?
La question m’est apparue comme surréaliste. Et pourtant, la réponse est assez simple en droit suisse. Analysons donc la situation légale.
Plus généralement, la question est donc de savoir si un homme peut être légalement responsable si une femme insère elle-même le sperme qui n’a pas été propulsé par l’homme, volontairement ou non, à l’intérieur de la femme et qu’elle tombe enceinte, alors que ce n’est pas du tout ce que l’homme voulait.
La biologie, en bref
Les spermatozoïdes humains, une fois propulsés hors du sexe masculin, ont une durée de vie moyenne de 3 à 4 jours à l’intérieur de la femme. Cependant, sans l’apparition de la glaire cervicale qui se trouve à l’entrée du col de l’utérus lorsque la femme est féconde, les spermatozoïdes meurent rapidement à cause de l’acidité du vagin. Par contre, dans le cas d’une éjaculation à l’extérieur du corps de la femme (ou en dehors d’un milieu qui soit favorable à leur conservation), la durée de vie des spermatozoïdes est limitée à quelques minutes à peine.
Le droit
A l’égard de la mère, la filiation avec son enfant s’établit automatiquement par la naissance (art. 252 CC). Pour le père, il y a trois modes d’établissement de la filiation : le mariage avec la mère, la reconnaissance par le père et le jugement de paternité. Au vu de la question posée, on partira du principe que les deux personnes ne sont pas mariées et que si la femme tombe enceinte puis accouche, l’enfant n’a pas automatiquement un père, juridiquement parlant.
La question de la “responsabilité légale” du père génétique ne devrait se poser que si le père reconnait l’enfant (art. 260 CC) ou si la mère ou l’enfant intentent une action en paternité (art. 261 CC). La filiation est alors établie avec effet rétroactif au jour de la naissance. En effet, être le géniteur de l’enfant, hors mariage, ne crée pas de lien juridique. La filiation crée de très nombreux effets juridiques, que ce soit pour l’assistance, la succession, l’entretien des parents envers leurs enfants, etc.
En ce qui concerne l’entretien, si la paternité est reconnue par jugement, il ne peut être réclamé que pour l’avenir et pour l’année qui précède l’ouverture de l’action en paternité (art. 279 CC). Par ailleurs, dans l’année suivant la naissance, la mère peut demander une indemnité pour les frais de couche et autres frais liés à l’accouchement (art. 295 CC).
Qu’en est-il du consentement de l’homme dans cette histoire ? Il a consenti à la relation sexuelle, et en a donc accepté les risques. De la même manière que l’arrivée d’un enfant peut être une belle surprise pour un couple, elle peut aussi en être une mauvaise. Un homme ne peut pas non plus forcer (légalement) une femme à avorter. C’est donc à lui qu’il revient d’être prudent, par exemple en n’éjaculant pas à l’intérieur de la femme et en s’assurant de ne pas rendre “disponible” à cette dernière spermatozoïdes qu’elle pourrait… utiliser.
Conclusion
Il n’y a aucun moyen (connu) en droit suisse qui permettrait au père génétique de se soustraire à une action en paternité au motif qu’il s’est fait piéger par la mère de l’enfant. Au contraire, c’est à lui qu’on reprochera de ne pas avoir pris ses précautions. Ou de ne pas s’être abstenu (d’éjaculer, voire d’avoir eu une relation sexuelle).
Commentaire
Comme pour l’aventure de la sextorsion, j’invite mes congénères mâles à plus de prudence, car d’après ce que j’ai pu comprendre, dans certains pays, en général moins développés que le nôtre, des femmes n’hésitent pas à tenter ce genre de coup afin de pouvoir ensuite toucher des pensions, voire d’obtenir plus facilement des visas et autres autorisations de séjour.
Je n’évoquerai pas ici le sentiment que m’inspire cette pratique, car du point de vue du bien de l’enfant, naître dans de telles conditions, se développer et vivre avec ce passif, alors que l’on sait à quel point la filiation est importante dans notre société, cela doit être particulièrement pénible. C’est évidemment un euphémisme.