Fonseca voit la fuite des Panama Papers comme une campagne contre la vie privée
Inutile de présenter les “Panama Papers”, documents issus de la société panaméenne Mossack Fonseca, je crois que tout le monde en a eu vent depuis qu’ils ont été rendus publics dimanche soir à 20h00. (Mais si vous avez quand même raté l’information, tout se trouve là, multimédia à l’appui).
Mais ce qui est passé un peu inaperçu, c’est ce que l’un des fondateurs du cabinet Mossack Fonseca, Ramon Fonseca, a déclaré dans un interview à l’AFP :
Privacy is a fundamental human right that is being eroded more and more in the modern world. Each person has a right to privacy, whether they are a king or a beggar.
Je ne saurais lui donner tort. Évidemment la sphère privée est à géométrie variable (par exemple en fonction du degré de “célébrité” qui est inversement proportionnel au degré de protection de la sphère privée). Mais Ramon Fonseca a tort d’amener la protection de la sphère privée dans le débat puisqu’il est ici question de transparence.
Et c’est grâce à la transparence qu’on peut arriver à déterminer à quel point nos droits s’érodent. C’est grâce à elle et à l’investigation que la lumière peut être faite sur des actes et événements que certains, notamment des puissants de ce monde, cherchent à garder dans l’ombre. L’intérêt public exige la transparence.
On voudrait nous faire croire que la sphère privée et la transparence sont diamétralement opposées et n’ont pas le même but. C’est tout l’inverse. Pour garantir la protection de nos données, nous avons besoin de transparence de la part de ceux qui les collectent et les traitent afin de savoir précisément ce qu’ils font, comment et pourquoi. C’est grâce à la transparence que des violations du droit de la protection des données (entre autres) peuvent être amenées sur la place publique. Les deux sont donc intimement liées.
Ramon Fonseca a encore déclaré chez Reuters que sa société était victime d’une “campagne internationale contre la protection de la sphère privée”. En cherchant à invoquer le droit à la protection de la sphère privée dans cette affaire, Ramon Fonseca semble affirmer que ce droit devrait n’être l’apanage que des puissants, et que la transparence devrait s’appliquer aux autres, c’est-à-dire nous, nous qui n’avons rien à cacher (ce qui est complètement faux).
Ce n’est pas la révélation – dans l’intérêt public et par le biais du journalisme d’investigation – de détails financiers sur des montages fiscaux de milliers de puissants dans le monde qui met à terre la sphère privée.
La vraie campagne contre la sphère privée est déjà à l’œuvre ailleurs, notamment avec la surveillance de masse, les registres biométriques, le profilage marketing à tout-va…