François Charlet

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Quand la technologie et le manque d'attention vous piègent

30/05/2016 3 Min. lecture Technologies François Charlet

Tout n’est pas rose dans le monde fabuleux des technologies. Alors qu’on blâme souvent l’humain qui s’en sert (PEBKAC, escroc, criminel, hacker, etc.) lorsqu’il arrive quelque chose de fâcheux, la technologie peut aussi nous trahir et nous causer des ennuis plutôt graves. On ne s’en doute pas forcément, mais certains contenus qu’on vient à s’échanger par emails, SMS, MMS, WhatsApp, iMessage & Cie peuvent être illégaux et ce n’est pas parce qu’on n’en est pas l’auteur ou l’émetteur qu’on n’est pas punissable.

Prenons le cas de la pornographie, dont j’avais déjà parlé il y a quelques années. La pornographie n’est pas, en soi, réprimée par le Code pénal, mais certaines formes le sont.

Quiconque fabrique, importe, prend en dépôt, met en circulation, promeut, expose, offre, montre, rend accessible, met à disposition, acquiert, obtient par voie électronique ou d’une autre manière ou possède des objets ou représentations [pornographiques], ayant comme contenu des actes d’ordre sexuel avec des animaux, des actes de violence entre adultes ou des actes d’ordre sexuel non effectifs avec des mineurs, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Si les objets ou représentations ont pour contenu des actes d’ordre sexuel effectifs avec des mineurs, la sanction est une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire. (Art. 197 al. 4 CP)

En ce qui concerne cette forme de pornographie (appelée “dure”), la simple possession de tels contenus constitue une infraction pénale. La négligence n’est pas punissable, car l’infraction est intentionnelle. Le dol éventuel est cependant suffisant (le dol éventuel consiste en le fait de ne pas vouloir commettre l’infraction, mais de s’en accommoder si elle est commise et de ne pas faire tout ce que l’on peut pour l’empêcher).

Ainsi, ne pas supprimer des contenus relevant de la pornographie dure qui nous ont été envoyés pourrait relever du dol éventuel et mener à une condamnation pour possession de tels contenus.

Mais il peut arriver que la technologie nous “piège” ou nous mette, malgré nous, dans une situation embarrassante, si ce n’est illégale. La vidéo ci-dessous le montre bien. Elle a été réalisée par Stéphane Koch dans un cadre professionnel impliquant des représentants des médias.

Les opérateurs de téléphonie mobile, ou des prestataires tiers qui utilisent le réseau télécom (Apple avec iMessage, Facebook avec WhatsApp et Messenger, Google avec Hangout, etc.), peuvent stocker – temporairement ou non – vos messages sur leurs serveurs et vous renvoyer le même message plusieurs fois d’affilée, même si vous avez effacé de votre smartphone le message en question, voire la conversation.

La situation est similaire si les messages sont stockés et accessibles dans “votre” espace cloud. Il en va encore de même si des sauvegardes de ces messages sont effectuées sur le cloud ou sur un périphérique de stockage externe que vous détenez.

La prudence est donc de mise, car ce n’est pas parce que vous effacez un contenu sur l’un de vos appareils qu’il est nécessairement effacé de la surface de la Terre. Par ailleurs, si vous deviez un jour recevoir de tels contenus, il serait sans doute judicieux d’avertir la police avant de les effacer.

Quant à l’intermédiaire qui achemine et/ou stocke ces contenus, il n’encourt pas de responsabilité s’il n’a pas connaissance des contenus, ce qui, pour un fournisseur d’accès, est en principe impossible puisqu’il est soumis au secret des télécommunications. La situation d’un fournisseur de service de messagerie pourrait être plus problématique en fonction du contrôle qu’il exerce sur les contenus transitant par ses serveurs.

Lien vers la vidéo