François Charlet

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Top 5 des infractions du code pénal suisse en 1950

26/01/2016 5 Min. lecture Droit Samuel Guignard

Le vintage a le vent en poupe: on s’habille 80’s, on se meuble 60’s, mieux vaudrait toutefois qu’on ne se pénalise pas 50’s. 1950 : avant la libération sexuelle, avant le droit de vote des femmes, avant que la Suisse ne se libère gentiment de la vision patriarcale de la société. Notre code pénal a évolué depuis, s’est étoffé au gré des nouveaux défis du droit pénal. Les sanctions ont aussi évolué: de l’omniprésente prison, on est passé à un régime faisant la part belle aux peines pécuniaires.

Sur le plan politique, la tendance est également au vintage. On entend parfois qu’il serait bon de revenir en arrière, qu’il y a une génération, on punissait le délinquant comme il faut… Mais il y a une génération, le droit pénal c’était ça.

1. Le duel : où le législateur est magnanime avec les mâles qui se battent pour l’honneur, tant qu’ils restent fair play…

Art. 130. Provocation en duel

Celui qui aura provoqué une personne en duel, celui qui aura accepté une provocation en duel, sera puni de l’amende.

En cas de réitération, le juge pourra en outre prononcer les arrêts.

Art. 131. Duel

1. Le duel entre adversaires armés sera puni de l’emprisonnement pour cinq ans au plus.

La peine sera l’emprisonnement pour un à cinq ans si, d’après les conditions, le combat devait continuer jusqu’à la mort d’un des adversaires.

2. Si les combattants ont pris des précautions propres à écarter le danger de mort, le juge prononcera les arrêts ou l’amende.

3. Celui qui aura sciemment enfreint les règles du combat et qui, grâce à cette déloyauté, aura tué ou blessé son adversaire sera puni pour meurtre ou lésions corporelles.

4. Les seconds, les témoins, les médecins et les autres auxiliaires ne seront punis pour participation au duel que s’ils ont excité les adversaires à se battre.

Art. 132. Excitation au duel

Celui qui aura excité autrui à se battre en duel avec un tiers sera puni de l’emprisonnement ou des arrêts.

2. La femme faible et sans défense : où l’homme se passe de la protection du droit pénal

Art. 184. Enlèvement d’une femme inconsciente ou sans défense

Celui qui, connaissant l’état de sa victime, aura enlevé une femme aliénée, idiote, faible d’esprit, atteinte d’une altération de la conscience ou incapable de résistance sera puni de l’emprisonnement pour trois mois au moins. (Ndr : “Idiote” est à prendre dans son sens médical : soit une femme atteinte d’idiotie, “déficience mentale très profonde” [Larousse].)

La peine sera la réclusion pour dix ans au plus si le délinquant a enlevé la victime pour abuser d’elle ou pour la livrer à la débauche.

Art. 189. Attentat à la pudeur d’une personne inconsciente ou incapable de résistance

Celui qui, connaissant l’état de sa victime, aura commis l’acte sexuel hors mariage avec une femme idiote, aliénée, inconsciente ou incapable de résistance sera puni de la réclusion pour dix ans au plus.

Celui qui, connaissant l’état de sa victime, aura commis un autre acte contraire à la pudeur sur une personne idiote, aliénée, inconsciente ou incapable de résistance, sera puni de la réclusion pour cinq ans au plus ou de l’emprisonnement.

3. Couvrez ce préservatif que je ne saurais voir

Art. 211. Réclame offensant les mœurs

Celui qui, de façon à offenser les bonnes mœurs ou la décence, aura annoncé ou exposé en public des objets destinés à prévenir la grossesse ou à empêcher la contagion vénérienne sera puni de l’amende.

Celui qui aura envoyé des objets de cette nature ou des réclames qui en recommandent l’usage à des personnes qui ne les avaient pas demandés et qui n’y avaient aucun intérêt professionnel sera, sur plainte, puni des arrêts ou de l’amende.

4. Ciel mon mari… en prison (sauf si match nul)

Art. 214. Adultère

Le conjoint qui aura commis l’adultère et son complice seront, sur plainte du conjoint outragé, punis de l’emprisonnement pour un an au plus ou de l’amende si le divorce ou la séparation de corps a été prononcé à raison de cet adultère.

Le juge pourra exempter le délinquant de toute peine si, au moment où l’adultère a été commis, la vie commune des époux avait cessé, si le plaignant lui-même avait commis l’adultère, ou s’il s’était rendu coupable des actes prévus aux articles 138 à 140 du code civil. (Ndr : Dans le cadre du mariage : attentat à la vie, sévices et injures graves, atteinte à l’honneur, abandon.)

La plainte devra être portée dans les trois mois.

Le délai court du jour où le jugement prononçant le divorce ou la séparation de corps est passé en force de chose jugée.

Le conjoint qui a consenti à l’adultère ou l’a pardonné n’a pas le droit de porter plainte.

La mort du conjoint outragé éteint l’action pénale et fait cesser l’exécution de la peine.

5. La femme seule et déshonorée

Art. 218. Abandon d’une femme enceinte

Celui qui aura abandonné dans une situation critique une femme non mariée qu’il sait enceinte de ses œuvres et l’aura ainsi livrée à la détresse, sera, sur plainte, puni de l’emprisonnement.

J’espère que vous aurez savouré ces délicieuses pépites de désuétude, témoins d’une morale dont la rusticité nous fait sourire aujourd’hui.