WhatsApp change ses conditions d’utilisation sur le partage des données avec Facebook. Bye WhatsApp.
Quelles données sont aujourd’hui collectées par WhatsApp ?
WhatsApp collecte de nombreuses données personnelles comme le numéro de téléphone, les numéros de téléphone des contacts figurant dans le carnet d’adresses, les prénoms et noms, les photos de profils, les statuts, l’heure de dernière connexion, la localisation de l’appareil, le niveau de la batterie, le réseau mobile, l’adresse IP, des informations de diagnostics (télémétrie). La section “Informations que nous recueillons” figurant sur cette page donne la liste complète.
Le changement de CGU de 2016
Il y a presque sept ans, Facebook a racheté WhatsApp et a fait plusieurs déclarations lors de ce rachat, notamment afin de rassurer les utilisateurs. WhatsApp devait rester autonome, sans publicité. J’écrivais ceci à l’époque :
WhatsApp restant autonome, il est probable que Facebook n’aille pas fouiller ou récolter et agréger des données dans les serveurs de WhatsApp. Mais cette possibilité n’est pas à exclure, raison pour laquelle les allergiques à Facebook pourraient commencer à envisager une alternative à WhatsApp.
En 2016, WhatsApp avait effectué un changement de conditions générales que j’avais commenté ainsi :
WhatsApp a annoncé qu’il allait commencer à partager avec Facebook les numéros de téléphone de ses utilisateurs de manière à ce que l’expérience des utilisateurs de Facebook soit améliorée, en parallèle aux publicités ciblées. L’exemple évoqué consisterait ici à permettre à des sociétés tierces de vous contacter par WhatsApp. Il serait notamment question des compagnies aériennes, lorsque votre vol est en retard ou supprimé, ou des banques si elles détectent des activités frauduleuses sur vos comptes.
L’idée est donc de connecter votre profil Facebook avec votre compte WhatsApp, ce qui permettra évidemment à Facebook de collecter plus de données à votre sujet et par conséquent d’affiner encore plus les publicités affichées. Les contenus des messages WhatsApp étant chiffrés, ils ne pourront pas être lus par Facebook, mais il est probable que Facebook ait accès aux détails, comme les numéros de téléphone.
Il était cependant possible de se désinscrire de ce système en refusant ce changement. Le G29 avait d’ailleurs interpelé WhatsApp sur ce changement.
Les changements du 4 janvier 2021
A partir du 8 février 2021, WhatsApp partagera des données d’utilisateurs à Facebook, que ceux-ci aient un compte sur le réseau social ou non. Contrairement au changement de 2016, si les utilisateurs, qui sont plus de 2 milliards, refusent ce partage, ils ne pourront plus utiliser l’application. C’est ce qui ressort du message (image ci-dessous) que tous les utilisateurs ont vu s’afficher ces derniers jours lorsqu’ils ont lancé WhatsApp sur leur smartphone, et qui annonce un changement des conditions générales d’utilisation. Un message qui est laconique et qui ne permet pas à l’utilisateur de bien comprendre les changements et de donner son “consentement” de manière éclairée.
Toujours est-il que si les CGU sont acceptées, les données des utilisateurs pourront être partagées avec le reste des entités Facebook, dans les deux sens. Facebook se réserve le droit de partager certaines de ces données avec des entités tierces lorsque WhatsApp interagit avec elles.
Le partage des données a pour but de permettre aux entreprises inscrites sur WhatsApp (elles sont plus de 50 millions) d’échanger de façon ciblée avec les utilisateurs. En effet, Facebook ne gagne pas d’argent avec WhatsApp, qu’il convient désormais de rentabiliser en faisant de WhatsApp le moyen de communication privilégié (et payant) des entreprises du monde entier pour échanger avec leurs clients, et en offrant la possibilité à ces entreprises d’utiliser les infrastructures d’hébergement sécurisées de Facebook pour héberger leurs conversations WhatsApp si elles ne souhaitent pas stocker elles-mêmes leurs messages. Les entreprises se verront aussi offrir la possibilité de proposer à la vente, sur WhatsApp, leurs produits et services.
Quid de la Suisse et de l’Europe ?
WhatsApp annonce ce changement à un grand nombre si ce n’est à la totalité de ses utilisateurs alors qu’il ne vaudrait pas pour la “Région européenne”, qui comprend au 1er janvier 2021 les pays suivants :
Allemagne, Andorre, Autriche, Açores, Belgique, Bulgarie, Îles Canaries, République de Chypre, Îles de la Manche, Croatie, République tchèque, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Guadeloupe, Guyane française, Hongrie, Île de Man, Italie, Irlande, Islande, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Madère, Malte, Martinique, Mayotte, Monaco, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Portugal, la Réunion, Roumanie, Royaume-Uni, Saint-Marin, Saint-Martin, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Bases militaires souveraines britanniques à Chypre (Akrotiri et Dhekelia) et le Vatican.
Dans la Région européenne, les données collectées par WhatsApp seront partagées avec Facebook si les utilisateurs ont des conversations avec des entreprises via WhatsApp. Dans une telle situation, les utilisateurs seront prévenus si l’entreprise stocke les messages sur l’infrastructure de Facebook. En outre, le choix qui avait été fait en 2016 par les utilisateurs continuera d’être respecté par WhatsApp s’ils acceptent les nouvelles conditions. Contrairement au reste du monde, les utilisateurs européens ne verront pas (encore) leurs données être utilisées dans le but de suggérer des contenus ou de les cibler plus précisément pour la publicité.
C’est du moins ce qui a été annoncé par WhatsApp et Facebook.
Quid du prochain changement ?
Ce n’est qu’une question de temps avant que les changements valables pour le reste du monde s’appliquent aussi à la Région européenne, d’une manière ou d’une autre. On se souvient que Facebook a forcé, il y a quelques mois, les acheteurs et utilisateurs d’un Oculus (casque de réalité virtuelle) de lier leur compte Facebook à leur appareil. Il ne serait donc pas surprenant que Facebook veuille, à terme, centraliser ses produits et services ainsi que les données qu’ils récoltent. Les messageries de Facebook (Messenger) et Instagram ont déjà fusionné en 2020, WhatsApp devrait suivre prochainement.
Je vais supprimer mon compte WhatsApp, et vous devriez en faire autant (avec vos comptes Facebook et Instagram)
Il y a quelques années, j’ai décidé de quitter Facebook (et avant, Instagram). J’y avais des centaines d’amis (enfin, amis… on se comprend), j’y passais du temps (parfois trop). Et un jour je n’ai plus toléré le comportement hégémonique de Facebook, sa toute-puissance numérique, économique et politique, ce qu’il fait des données personnelles. Alors j’ai supprimé mon compte, et depuis je m’en porte extrêmement bien : je ne discute qu’avec des personnes qui comptent vraiment, qui m’intéressent et que j’aimerais avoir dans ma vie. J’ai constaté que je n’ai rien raté, que rien ne me manque et que la qualité de mes relations personnelles – celles qui comptent – a augmenté.
La situation avec WhatsApp me fait le même effet aujourd’hui, raison pour laquelle je vais supprimer mon compte et effacer l’application rapidement. Je me demande même ce qui m’a poussé à continuer à utiliser ce service après son rachat par Facebook, sans doute m’apparaissait-il “indispensable”. Je vais me couper de beaucoup de personnes, me direz-vous. C’est possible. Mais rien n’empêche ces personnes d’installer et d’utiliser les alternatives mentionnées ci-dessous (ce qu’elles font, d’ailleurs, je reçois beaucoup de notifications m’indiquant que mes contacts rejoignent d’autres services). Je devrai sans doute faire quelques efforts pour convaincre les personnes plus récalcitrantes, efforts que vous devrez faire aussi. Mais un appel téléphonique de temps à autre fonctionne très bien, le bon vieux SMS marche encore, et en ce moment on en est aux apéros Zoom. Alors, WhatsApp…
Certains douteront sérieusement qu’abandonner WhatsApp puisse avoir des effets négatifs sur Facebook (et WhatsApp) du point de vue des produits (les produits étant évidemment leurs utilisateurs). Je pense cependant que cela ne fera qu’attiser le feu qui, espérons-le, fera sortir les autorités de leur léthargie.
Quelles alternatives utiliser ?
Plusieurs groupes de discussion auxquels je participais sur WhatsApp ont déjà migré vers Signal, une application gratuite et open source qui ressemble à WhatsApp, mais qui respecte la vie privée et les données personnelles de ses utilisateurs. Derrière Signal se trouve un organisme indépendant et sans but lucratif. Une marche à suivre a été publiée ici pour migrer les groupes WhatsApp vers Signal.
Signal voit d’ailleurs son nombre d’utilisateurs croitre de manière importante, ce qui provoque un peu d’attente lors de l’inscription des nouveaux utilisateurs. Signal serait d’ailleurs l’application la plus téléchargée ces derniers jours sur l’App Store, détrônant WhatsApp.
Une autre application que j’utilise régulièrement, notamment avec ma famille, est Threema, une application suisse et open source qui coute CHF 3.- sur l’App Store et qui est aussi “privacy oriented”. Des options existent pour les entreprises ainsi que les institutions de formation (écoles, universités, etc.).
Threema aussi voit son nombre d’utilisateurs augmenter rapidement.
Liens vers les CG modifiées de WhatsApp
- Futures CGU applicables à la Région européenne
- Future Privacy Policy applicable à la Région européenne
- Futures CGU applicables au reste du monde
- Future Privacy Policy applicable au reste du monde
Mise à jour du 10.01.2021 à 13h45
Etrangement, j’ai reçu aujourd’hui une notification différente de celle reçue il y a quelques jours et qui figure plus haut. Un troisième point mentionne cette fois-ci “la manière dont WhatsApp collabore avec Facebook pour offrir des intégrations sur les produits des entités Facebook”. D’après ma compréhension, la notification ci-dessous est destinée aux utilisateurs hors Région européenne, alors que celle ci-dessus vaut pour les utilisateurs de cette Région. Il est incompréhensible que j’aie reçu deux notifications différentes. Je précise que je n’ai pas de numéro étranger et que mon compte WhatsApp est enregistré avec un numéro suisse… Si quelqu’un a une explication, je suis preneur.
Réactions médias
Vous trouverez ici un article de la RTS résumant mon interview à la radio.